Le 5 Août 1997, Laurent Malone et Dennis Adams ont marché sans interruption de downtown Manhattan jusqu’à l’aéroport John-F Kennedy en passant par Williamsburg bridge. Ils ont suivi l’itinéraire le plus direct possible, à travers quartiers, voies express et cimetières. Onze heures trente de marche au total. Malone et Adams avaient convenu de partager un seul et même appareil 35 mm pour réaliser un nombre indéterminé de clichés se complétant par paires. À tout moment de la marche, chacun était libre de prendre la photo de son choix. Chaque fois, celui qui avait pris la photographie passait l’appareil à l’autre, qui prenait alors une seconde photographie dans la direction diamétralement opposée, sans tenir compte du sujet, du cadrage, ni régler l’ouverture ou faire la mise au point. Le livre édité par Intégral éditions regroupe la totalité des 243 paires de photos, dans l’ordre où elles ont été prises. 2002
En dépit de leur détermination à se frayer un chemin en ligne droite à travers la ville, le livre provoque une radicale désorientation et offre la vision d’un immense chaos urbain. Pour le critique d’architecture Kenneth Frampton, l’état des lieux dressé par Laurent Malone et Dennis Adams est révélateur d’une crise de l’urbanisme, elle-même symptomatique d’un état du monde : “On ne peut s’empêcher de se demander si ce sont bien là les ombres du rêve américain au nom duquel nous prétendons libérer le Moyen-Orient.” New York – martyrisée depuis par les attentats du 11 septembre 2001, les prises de vue datent de 1997 –, n’apparaît déjà plus comme le symbole d’une modernité architecturale triomphante. C’est un paysage en déréliction, mangé par les herbes folles, couvert de graffiti, une suite d’immeubles délabrés et de pavillons mesquins, un ensemble chaotique qu’un appareil sécuritaire constitué de grilles, de barbelés et autres caméras de surveillance a du mal à contenir.